[…] Have faith in Life [Ayez foi en la Vie]… Puisse la Vie devenir, pour vous, non seulement quelque aveugle fatalité favorable, mais une sorte de Présence ou de Bienveillance animée, à laquelle il vous sera possible, non seulement de vous fier, mais de vous confier ! Vous savez combien, par un complexe de dispositions natives, d’éducation religieuse et de réflexion indépendante, je suis arrivé à me pénétrer de cette conviction que l’Univers (en nous et autour de nous) est, finalement, une grande naissance au sein d’une animation graduelle à laquelle rien n’échappe. Plus j’expérimente cette voie, plus je me convaincs de sa solidité, et de la joie fondamentale (inattaquable) à laquelle elle conduit. Essayez-en ! C’est-à-dire apprenez à aimer, et à accueillir sans trouble (comme l’influence d’une puissance aimante), les évènements incontrôlables qui viennent contrarier votre action ! Et vous verrez que vous approcherez de la paix…

Je crois vous l’avoir dit, que toute ma « religion » à moi finit par se réduire à cet abandon (actif) à un Monde que je comprends de moins en moins dans le détail (en ce sens que les explications traditionnelles qu’on en donne me paraissent de plus en plus insuffisantes) mais dont la « divinisation », ou la « personnalisation », en cours me paraît de plus en plus claire. Que mon existence ait été, autant que possible, un acte de fidélité à la Vie, c’est la seule chose qui m’intéresse désormais, et qui me rassure.

Or, qu’est-ce qu’une existence « fidèle à la vie » ? Est-ce une existence socialement réussie : avec une continuité apparente, du succès reconnu, un résultat palpable, une stabilité conquise ? Pas nécessairement du tout ! (Personnellement, je ne me préoccupe absolument plus du « succès » apparent de mon passage ici-bas.) Mais j’ajoute ceci : Pourquoi voulez-vous qu’une existence, à supposer qu’elle n’arrive pas à se fixer ou à fructifier en une œuvre tangible, ait moins de prix qu’une autre ? Pourquoi le Monde, qui a besoin de famille stables et de gens bien établis, n’aurait-il pas aussi besoin de ces êtres mobiles et errants, dont l’action se traduit par une série de touches ou d’essais apparemment discontinus, à travers toutes sortes de domaines ?… C’est une grande chose de ne pas avoir où reposer sa tête, si on porte au cœur la foi au monde. […]

Extraits de Accomplir l’Homme. Lettres inédites (1926-1952), Grasset, 1968, p. 102-103
Sélection  proposée indépendamment par Guy Assens de Carcassonne et Arnaud de Bussac du Havre.  

 

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