Bien cher ami,
[…] En dehors de ma spécialité, j’ai pu […] visiter les grands cyclotrons de l’Université. […] j’en ai reçu le choc que j’attendais. En face de ces appareils, on a l’impression de perdre pied dans l’humain. Tout se combine à ce niveau : le laboratoire, l’industrie, la guerre, et même, en quelque façon, la plus haute des philosophies (je veux dire la recherche d’un élément premier ou dernier des choses). Et que dire de l’énormité et de la complexité des techniques et des calculs ramassés dans ces machines, – et aussi de la population d’ingénieurs et de physiciens constamment tendus dans l’effort requis pour contrôler les monstres… Une autre humanité qui naît, par la force naturelle des choses, – et qui crie (je le sens de plus en plus vivement) vers et pour un nouveau Dieu. En regardant ces extraordinaires produits de la « Noosphère », je n’ai pu m’empêcher de songer que demain, sans doute, ce sont des moyens de cet ordre qu’emploiera, pour contrôler la Vie, la nouvelle Biologie. Et c’est sans doute en prolongement du même mouvement de refonte et de repensée générale du Monde par sa base que se constituera, enfin, une science de le l’Homme moins ridicule que celle dont on nous abreuve en ce moment. […]
Et bien affectueusement vôtre.
Teilhard
Pierre LEROY – Lettres familières de Pierre Teilhard de Chardin, mon ami, 1948-1955, Le Centurion, 1976, p. 151 et 152.
Extrait proposé par Jean-Marie L’Honen.
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